La montée en puissance des réserves : entre héritage historique et enjeu contemporain

L’histoire de France témoigne des liens puissants unissant les enjeux de défense du pays, son armée et sa population (dont les réservistes sont issus), créant sur le temps long, une trame solide sur laquelle la Nation française a su bâtir une capacité de résilience pour faire face aux nombreux défis rencontrés … Nos armées ont besoin de s’appuyer sur les forces morales qui animent la Nation. Parmi elles, le choix de rejoindre la réserve représente sans doute le soutien le plus puissant qu’un citoyen puisse apporter à son armée.

 

Depuis le Moyen Âge, les exemples de recours des populations civiles au bénéfice de besoins militaires
parsèment notre histoire. Ces dernières répondent le plus souvent à des situations de crises prégnantes, à
l’image des francs-archers pendant la guerre de Cent Ans ou encore de la milice de Louvois lors de la guerre
de la ligue d’Augsbourg à la fin du XVII e siècle.

Un exemple détaillé peut en être fourni lorsque Charles VII crée, en 1445, les premières unités permanentes appelées compagnies d’ordonnance afin de professionnaliser son appareil militaire. En 1448, par l’ordonnance de Montils-lès-Tours, le monarque français poursuit sa réforme de l’armée en créant les francs-archers, véritable force de réserve permettant d’appuyer les compagnies d’ordonnance et de sécuriser les provinces du royaume au contact des envahisseurs anglais. Les francs-archers étaient des roturiers, exemptés de payer la taille, devant participer à plusieurs entraînements annuels et étaient recrutés au sein des paroisses du royaume de France. Ils étaient organisés en province et sous l’autorité d’un aristocrate membre des compagnies d’ordonnance.

Puis un changement s’opérera sous la Révolution française qui bouleverse l’ordre politique, social et
militaire. L’armée royale devient nationale et les guerres de la Révolution et de l’Empire interrogent sur les
acteurs ayant le droit et le devoir de défendre la nation.
Dès 1792, la défense nationale fonctionne grâce à
l’articulation de plusieurs maillons, formant un ensemble défensif cohérent et adapté. Chacun des maillons
de cette chaîne accomplit une fonction efficace et spécialisé afin de mener à bien la mission de
défendre et de sacraliser la Nation ainsi que le territoire.
Ce principe est imbriqué avec celui du citoyen-
soldat qui, tiré de l’Antiquité gréco-romaine, vient répondre aux besoins sociaux, militaires et politiques à
l’heure de la Révolution française.

La relecture de Thucydide permet, en effet, d’affirmer que « la force de la cité ne réside ni dans ses
remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens. 
» La citoyenneté moderne implique
une participation à la défense nationale – principe qui trouva son paroxysme lors de la Première Guerre
mondiale. A ce titre, Joseph Servan propose en 1780 dans Le Soldat citoyen que la société civile et militaire
ne fasse qu’un ; le soldat doit vivre comme un citoyen en temps de paix et doit être prêt à porter les armes
pour défendre sa terre. Ce principe antique est partiellement appliqué, lorsqu’en 1798, la loi Jourdan instaure
la conscription obligatoire (abrogée en 1996), affirmant de jure l’armée-nation et assure pour la République
un immense vivier au service de la défense nationale.

Ainsi, il existe dans l’Histoire de France une persistance essentielle entre le peuple, l’armée de métier et les
enjeux de défense. Créée par François Hollande en 2016 après les attentats du Bataclan et de Nice, la Garde
nationale s’inscrit dans cette dynamique.
S’inspirant de l’Histoire, le Président de la République souhaitait
inclure les citoyens dans la défense intérieure de la Nation face au terrorisme islamique. Composée des
réserves militaires, de la gendarmerie et de la police nationale, la Garde nationale monte en puissance et se
spécialise afin de faire face aux enjeux présents et futurs.
A ce titre, les réserves sont un outil de résilience
par leur formation et leur participation à la défense nationale ainsi qu’un outil de renforcement de la force morale de la Nation face aux crises contemporaines.

Les vagues d’attentats de 2015 et 2016 ont principalement touché des civils et la montée en puissance des réserves opérationnelles s’inscrit dans les différents degrés de maillage nécessaire à l’accomplissement de la défense nationale.

La montée en puissance et la spécialisation des forces de réserves incarnent une ambition nationale ; celle de
doubler les effectifs dans les années à venir, en les portant à 160 000 réservistes. Cette politique doit
permettre de faire face à un contexte intégrant de potentielles crises sociétales, sanitaires, écologiques ou
géopolitiques. Contrairement aux corps de francs-archers de Charles VII créés en réaction à la domination
de l’ennemi, aujourd’hui, la Garde nationale et les composantes qui la constituent doivent se préparer, dès le
temps de paix, afin d’être prêtes face à l’incertitude des temps.

Pierre Castel

 

 

Retour en haut