La libération de Paris ou l’union sacrée de l’armée et des citoyens

La libération de Paris ou l’union sacrée de l’armée et des citoyens

La 2 e DB entre dans Paris le 24 août 1944 au soir. En fer de lance se trouve Raymond Dronne, le capitaine de la Nueve du régiment de marche du Tchad (RMT), cet ancien administrateur du Cameroun qui rallie dès août 1944 la France Libre en Afrique. Il revient dans son ouvrage L’hallali de Paris à Berchtesgaden sur cet épisode dont le symbole historique résonne encore 80 ans plus tard : « Ce qu’il y a d’extraordinaire dans l’insurrection parisienne, c’est que la très grande majorité de la population, emportée par un élan de rage et d’enthousiasme, a suivi et est descendue dans la rue. Elle n’avait pas ou peu d’armes, elle a dressé des barricades, elle s’est battue, sans se rendre compte des risques qu’elle courait. 1  » Cette image héroïque du peuple parisien se retrouve dans le film Paris brûle-t-il ? de René Clément en 1966, où ils sont des milliers à dresser des barricades et à appuyer la
2 e DB qui entre le 24 août au soir dans Paris.

La libération de Paris n’était pas gagnée d’avance. Le haut-commandement américain souhaite charger
vers Berlin afin de prendre de vitesse l’Armée rouge. L’historien Jean-François Muracciole rapporte
que d’un « strict point de vue militaire, la bataille de Paris est un événement secondaire, voire
négligeable, de la Seconde Guerre mondiale. 2  » Or, la bataille de Paris a été un symbole de taille
dépassant de loin la dimension militaire : l’éclat de cette libération a été international. Il est également
question pour la France de mettre un terme au régime de Vichy. Le 25 août 1944, alors que des
bâtiments fument encore après les combats, le général de Gaulle s’affiche victorieux depuis l’Hôtel de
Ville et s’exclame « Paris libéré ! […] avec l’appui et le concours de la France toute entière, de la
France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. »
Ainsi, les combats pour la libération de Paris prennent une tournure éminemment politique puisqu’il s’agit pour le général de Gaulle de rallier une France transpartisane (et notamment les communistes qui imaginent une
nouvelle commune insurrectionnelle) derrière l’étendard républicain ; tout en rendant le régime de Vichy comme nul et non-avenu entre 1940 et 1944 – la République continuant de vivre depuis Londres et Alger.

Pourtant, mi-août 1944, quand Paris gronde et se soulève, le doute plane à Londres et dans le haut-commandement américain. En effet, la révolte provient des civils, faiblement armés et sans stratégie d’action : la finalité de l’action est indécise. Excités par le débarquement des Alliés en Normandie et de leur avancée en Normandie, ils franchissent le Rubicon et se soulèvent contre l’occupant allemand en août 1944.
Le 10 août, Henri Rol-Tanguy, commandant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) de la région parisienne, fait placarder dans les rues de la ville un appel à l’insurrection : « En avant pour la bataille de Paris ». Ce communiste, ancien chaudronnier et ayant combattu du côté des Républicains pendant la guerre civile espagnole, franchit le Rubicon en propulsant le peuple parisien devant son Histoire. Une vague de grèves se déclenche alors : les cheminots et la régie du métro cessent toutes activités. Le 13 août, un tournant s’opère quand la police – encore sous le contrôle théorique de Vichy – suit la grève et y apporte ses armes. Le 14 août, Rol-Tanguy donne ses directives à ces derniers : « Vous aiderez les FFI à abattre tous ceux qui continuerait à servir l’ennemi. » La situation est inédite puisque la police fait partie des instruments régaliens de Vichy depuis 1940, participant à la mise en
place de l’oppression contre les résistants ou les Juifs.

La grève est générale le 18 août. Le gouvernement de Pierre Laval a fui la capitale et l’insurrection éclate le 19, depuis l’Hôtel de police. La Préfecture de police est prise de force par 2000 policiers au matin. Léo Hamon, responsable du groupe de résistant du Mouvement républicain populaire, incorpore les forces de l’ordre dans les FFI et s’emparent de l’Hôtel de Ville. Grâce à ces faits d’armes, le peuple parisien s’embrase. Au matin du 21 août, la presse de la Résistance sort de la clandestinité et placarde dans les rues un appel aux armes ainsi que des conseils pour ériger une barricade ou fabriquer un cocktail Molotov. Pendant trois jours, environ 600 barricades se dressent et les troupes de FFI augmentent de manière exponentielle. Un résistant parisien, Robert Blancherie,
témoigne dans son journal à la date du 22 août : « Les barricades s'élèvent un peu partout aux points
stratégiques. On va de plus en plus vers la bataille de rues organisée, localisée, me semble-t-il aux
artères ou aux points importants. »

Les Allemands se retranchent dans les points forts de la ville : l’Opéra, l’Ecole militaire, le Luxembourg ou encore le Quai d’Orsay. Ils tiennent face aux multiples assauts souvent stériles des FFI. En effet, malgré le nombre, ces derniers ne parviennent pas à se structurer en unité homogène et font face à une pénurie d’armes et de munitions. L’arrivée de la colonne de la 2 e DB du général Leclerc le 25 août précipite la victoire française et la libération de Paris. Ce n’était pas gagné ! Le commandement américain n’avait que faire de l’insurrection parisienne et souhaitait nettoyer la Normandie et la Bretagne avant de prendre en tenaille Paris. Or, le général Leclerc décide d’envoyer un corps expéditionnaire vers Paris allant contre les directives de Patton et d’Eisenhower. Finalement,
le 22 août il reçoit l’ordre par ce dernier de marcher vers Paris. Le 25 août, avec la 4 e DI US du général Barton, la 2 e DB vient suppléer les FFI et nettoyer les points forts encore tenus par les Allemands (environ 6000 hommes). Le RMT, appuyé par des FFI, butte sur une forte résistance allemande rue de Rivoli : les blessés sont pris en charge par les actrices de la Comédie-Française qui prennent le rôle d’infirmières. L’impression que le Tout-Paris s’active à se
libérer traverse les esprits. Finalement, à 15h, le commandant des forces allemandes à Paris, le général von Choltitz, accepte la reddition. Depuis la Préfecture, il la signe avec le général Leclerc (qui une nouvelle fois prend tout le monde à revers afin d’appuyer la victoire gaulliste face aux Américains et aux réseaux communistes de résistance). Paris est officiellement libéré et revient dans la légalité républicaine française. La libération de Paris sonne comme un élan de liberté et de victoire à travers le monde. Montevideo (Uruguay) est en fête et les cloches de Londres sonnent à l’unisson avec celles de Notre-Dame.

Désormais, c’est à la politique de prendre le pas sur les actions des FFI et de la 2 e DB. Le général de Gaulle utilise cette glorieuse victoire pour rassembler le peuple sous la même bannière afin de reconstruire un pays entaché par quatre année de soumission et parfois même de guerre civile. Il s’exclame le 25 août : « la République n’a jamais cessé d’être. La France libre, la France combattante, le Comité français de libération nationale l’ont tour à tour incorporée. Vichy fut toujours nul et non avenu. »

Si l’armée a joué un rôle de taille dans la libération de Paris, le poids de ses habitants ne doit pas être négligé. Au contraire, la révolte éclata grâce aux réseaux de résistants et aux Parisiens ayant, avec courage et détermination, pris les armes contre l’occupant. Les hommes et les femmes qui se sont levés au cours de ce mois d’août pour libérer cette ville symbolique venaient de multiples horizons : artisans, fonctionnaires, universitaires, militaires, immigrés espagnols, ouvriers… Depuis la 2 e DB ou depuis les FFI, ils se sont engagés et battus pour libérer Paris afin de rendre son honneur à la France.

Retrouvez très bientôt la 2 e DB en marche vers l’Alsace avec les FFI incorporés afin de libérer Strasbourg et la France éternelle !

Pierre Castel

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