Interview donnée par le général de division Louis-Mathieu GASPARI, pour le magazine La Voix du Gendarme :
À la tête de la Garde nationale depuis le mois d’août et du conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM), le général de division Louis Mathieu Gaspari livre sa première interview depuis sa prise de fonctions. L’officier de Gendarmerie qui a succédé à une générale de l’Armée de l’air et de l’espace, fait le point sur les enjeux de ce grand service du ministère des Armées et du ministère de l’Intérieur, chargé des rayonnement et de la montée en puissance des réserves militaires des armées, de la Gendarmerie et de la Police nationale. À terme, la Garde nationale devrait rassembler 180000 hommes.
LVDG : la Garde nationale a été créée en 2016 à la suite des attentats. Où en est-elle aujourd’hui? A-t-elle atteint ses objectifs ? À combien estimez-vous le nombre de réservistes opérationnels actuellement dans les Armées et la Gendarmerie?
Général Louis-Mathieu Gaspari : vous avez raison de rappeler que la Garde nationale a été créée en 2016 pour répondre au désir d’engagement de la jeunesse qui souhaitait se rendre utile pour son pays après la vague d’attentats terroristes de 2015 et 2016.
6 ans après sa création, la Garde nationale compte 77 000 réservistes appartenant au ministère des Armées et au ministère de l’Intérieur. 7 000 d’entre eux sont employés quotidiennement sur le territoire national, en métropole ou en outremer, pour renforcer la sécurité de nos concitoyens et assurer la protection de notre territoire.
Par ailleurs, près de 30% des réservistes de la Garde nationale sont des jeunes de moins de 30 ans. 1 sur 2 est un actif et le taux de féminisation dépasse les 20%.
Il me semble important d’indiquer à vos lecteurs que près de 40% de ces réservistes sont des Gendarmes.
Un constat d’évidence s’impose : la Garde nationale est en constante évolution.
D’une part, sa visibilité et sa notoriété augmentent chaque jour, sous l’effet de la politique partenariale conduite auprès des entreprises, mais aussi des établissements d’enseignement supérieur ainsi que des collectivités territoriales. Elle se traduit très concrètement par la signature de conventions de partenariat qui facilitent l’employabilité des réservistes au service des forces armées, de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale.
J’observe d’autre part, avec beaucoup de satisfaction, que la Garde nationale est régulièrement engagée pour faire face à l’enchaînement ininterrompu de crises que notre pays traverse depuis 2015. J’évoquais tout à l’heure les attentats terroristes. Je fais également référence à la tempête Irma qui a dévasté Saint-Martin en 2017, mais aussi à la crise sociale des Gilets Jaunes en 2018, à la crise sanitaire de la COVID – 19 en 2020 et plus récemment aux crises climatiques et environnementales (épisodes caniculaires et feux de forêt). A chaque fois, la réserve opérationnelle a pris toute sa part dans la gestion de ces crises.
Compte tenu de ces éléments, la Garde nationale est aujourd’hui indispensable pour faire face à toutes ces crises qui présentent la caractéristique de ne plus seulement s’enchaîner mais de superposer les unes aux autres. La Garde nationale s’affirme donc comme un outil de résilience qui renforce indéniablement, par ses actions, la cohésion nationale et contribue au rehaussement des forces morales de la Nation.
Votre première question me permet enfin de saluer et de remercier les 77 000 réservistes qui composent la Garde nationale, de leur engagement que je sais total et résolu au service de notre pays.
LVDG : vous êtes secrétaire général de la Garde nationale depuis le 1er août, quels sont les enjeux pour la Garde nationale ?
Général Louis-Mathieu Gaspari : l’enjeu principal pour la Garde nationale est de relever le défi du doublement de la réserve, fixé par le président de la République dans son discours aux armées le 13 juillet.
Cette montée en puissance concerne aussi la Gendarmerie nationale et la Police nationale. En effet, les réserves opérationnelles des deux forces de sécurité intérieure doivent passer respectivement à 50 000 et à 30 000 réservistes comme Emmanuel Macron l’a annoncé lors de la clôture du Beauvau de la sécurité à Roubaix le 14 septembre 2021.
A terme, la Garde nationale devrait donc compter près de 180 000 réservistes opérationnels. Cet objectif ne pourra être atteint que si l’on transforme la Garde nationale, qui arrive déjà en 2022 à la fin d’un premier cycle. Il s’agit en quelque sorte de construire une “Garde nationale 2.0” pour être au rendez-vous de l’objectif assigné par le président de la République.
Telle est mon ambition pour la Garde nationale. J’y consacre toute mon énergie avec l’ensemble du secrétariat général que j’ai la chance et l’honneur de diriger depuis le 1eraoût 2022.
LVDG : vous êtes également secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette entité ?
Général Louis-Mathieu Gaspari : le code de la défense dispose que le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) est le lieu de consultation et d’échange sur toute question d’ordre général relative à la réserve militaire et au statut des réservistes. Plus précisément, le CSRM, présidé par le ministre des Armées, participe à la réflexion sur le rôle des réserves militaires au service de la défense et de la sécurité nationales et contribue à la promotion de l’esprit de défense et au développement du lien entre la nation et ses forces armées.
Comme vous l’avez rappelé, le secrétaire général de la Garde nationale est également secrétaire général du CSRM.
Le CSRM se réunit au moins une fois par an et émet des avis ou des recommandations sur toutes les questions inscrites à l’ordre du jour de ses réunions.
Pour prendre une image que vos lecteurs comprendront aisément, le CSRM est un peu le Conseil de la fonction militaire de la Gendarmerie (CFMG) des réservistes.
LVDG : quel est le but des Journées nationales du réserviste ?
Général Louis-Mathieu Gaspari : les Journées nationales du réserviste (JNR) ont pour but de valoriser et de mieux faire connaître l’engagement au sein de la réserve. Les JNR sont en quelque sorte la fête des réservistes qui sont mis à l’honneur partout en France pendant un mois ! Les réservistes sont des citoyens qui ont décidé de donner de leur temps pour servir leur pays en complément de leurs études ou de leur vie professionnelle. Un tel engagement mérite toute notre reconnaissance !
Cette année, le thème des JNR était “Réservistes au cœur des territoires”.
L’édition 2022 des JNR a été lancée par les Rencontres de la Garde nationale qui se sont déroulées à la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP) le 14 octobre dernier.
Entre le 15 octobre et le 15 novembre 2022, ce sont près de 200 événements qui ont été organisés sur tout le territoire métropolitain et ultramarin, en liaison avec l’Éducation nationale, les entreprises, les collectivités territoriales qui emploient des réservistes, ainsi que les associations de réservistes. Ils ont pris la forme, par exemple, de conférences, de stands de présentation de la Garde nationale, de rallyes citoyens, de démonstrations de savoir-faire et de compétences détenus par des réservistes ! Souvent, des entreprises du secteur privé demandent à leurs salariés-réservistes de présenter leur démarche d’engagement et leurs missions à leurs collègues. Ces activités remportent, à chaque fois, un grand succès et suscitent de plus en plus de vocations.
Les JNR ont été clôturées, le 15 novembre, par une cérémonie de ravivage de la Flamme sous l’Arc de Triomphe.
À l’occasion de plusieurs déplacements dans les territoires, j’ai pu mesurer que l’engagement au sein de la réserve suscitait toujours beaucoup d’engouement et d’admiration. J’ai pu constater que la Jeunesse manifestait toujours sa volonté de donner de son temps et d’être utile à son pays. Elle sait que la Garde nationale est une réponse à son désir d’engagement !
LVDG : les entreprises favorisent-elles davantage les activités de leurs réservistes? Où y a-t-il encore du travail de sensibilisation à effectuer ?
Général Louis-Mathieu Gaspari : il est encore parfois difficile pour les réservistes de s’absenter de leur emploi civil au profit de leur emploi militaire, et ce avec le regard bienveillant de leur employeur. Faciliter cette démarche nécessite un travail de terrain constant destiné à faciliter l’employabilité des réservistes. Le Secrétariat général de la Garde nationale (SGGN) s’y emploie chaque jour, c’est même l’une de ses missions principales.
Aujourd’hui, plus de 900 conventions de partenariat ont été signées. Elles définissent le nombre de jours accordés par l’employeur civil pour du temps de réserve, décident du maintien de tout ou partie du salaire du réserviste pendant ses périodes de réserve et fixent le délai de préavis. Certains employeurs accordent, chaque année, jusqu’à 30 jours, voire plus, à leurs salariés-réservistes pour rejoindre leurs unités, bases ou régiments du ministère des Armées ou les forces de sécurité intérieure. En contrepartie, ils bénéficient du label “Partenaire de la défense” et d’exonération fiscale.
L’objectif est de créer un cercle vertueux “armées-employeurs-réservistes” dans lequel chacun se retrouve gagnant tout en contribuant significativement à l’esprit de défense du pays, socle indispensable à une cohésion nationale renforcée.
Propos recueillis par Didier CHALUMEAU pour La Voix du Gendarme.
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